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Ce que RTE attend de vous, producteurs d’EnR, pour sortir de l’adolescence !

Ce que RTE attend de vous, producteurs d’EnR, pour sortir de l’adolescence !

A l’occasion d’une soirée organisée par la SunTech qui s’est tenue le 25 septembre à Paris sur le thème « flexibilité, solaire et réseaux intelligents », Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE (Réseau de Transport d’Électricité), a profité de l’auditoire pour faire passer plusieurs messages à la filière. Nous vous les livrons dans une transcription résumée de ses propos.

« Opérateur du système électrique, nous avons besoin de flexibilité. Un plan d’investissement de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici à 2040 est actuellement en débat public (voir notre article). Ce plan est fait pour l’électrification des usages. Je vous invite à y participer. Le sous-jacent de ce plan est une hypothèse de production des EnR (solaire + éolien terrestre) de 135 GW en 2040. Aujourd’hui, environ 40,8 GW sont installés sur le sol métropolitain et 46 GW en fil d’attente, soit un total de 90 GW de fait à ce stade. L’hypothèse de passer à 135 GW en 2040 fait donc la barre n’est si importante. La base « aero » des idées ou des projets d’EnR en France représente plus de 300 GW en 2040. Mon premier message est que tous ne se réaliseront pas car ce n’est simplement pas possible : notre hypothèse est de 135 GW en 2040 qui permet le développement de votre filière, mais pas 300 GW ! On n’est pas dans un monde où tout peut monter jusqu’au ciel partout.

Mon deuxième message confirme le besoin de flexibilité pour l’équilibre de ce système. RTE estime que d’ici 2035, en volume annuel, les besoins de flexibilité augmenteront de 85% ; soit de 60 à 70 GWh/jour. Cela fait de la flexibilité économique à aller chercher, notamment grâce au stockage. Notre effort de changement des flux sur le réseau, qu’on appelle le redispaching – autoriser ou ne pas autoriser un moyen de production à produire mais en appeler un autre parce ce qu’il y a des bouchons sur le réseau – sera multiplié par 4 d’ici 5 ans. La modification des mix de production et même des mix de consommation fait qu’il y a de plus en plus en plus d’espace économique pour la flexibilité, donc pour vous il y a des affaires à faire. Mais cela va nécessiter de faire des efforts pour la gestion combinée de la courbe de charge de production et de la courbe de charge de la consommation. Pour le solaire, vous produisez à des moments où la France pour l’essentiel ne consomme pas beaucoup. C’est probablement sur la technologie solaire que porte le plus l’enjeu de la flexibilité et du stockage.

Comment va-t-on réussir à gérer le système électrique dans ce contexte ? On va devoir changer un certain nombre de règles pour mieux piloter le système électrique. Ce n’est pas parce qu’il y a de l’espace économique pour de la flexibilité que tout se fait spontanément. Le système électrique doit marcher avec des règles et si elles ne sont pas respectées, cela ne fonctionne pas.

On a un plan pour ça : la première chose, il va falloir qu’on fasse des efforts sur la visibilité partagée de la programmation. Aujourd’hui on n’a pas beaucoup de visibilité. Pour piloter le système électrique, plus on prévoit en amont, plus c’est facile à gérer. On l’a vu sur la ventilation sur le prix spot.

Aujourd’hui, les producteurs d’installations de plus de 1 MW devraient nous envoyer leur courbe de programmation de production. Mais 95% des producteurs ne le font pas. On va appliquer les règlements européens et les textes français et on va faire en sorte que ceux qui doivent donner l’information de leur courbe de programmation le fassent. Donc on va faire des contrôles en 2026 et ensuite on mettra des incitations financières à le faire. C’est dans l’esprit des droits et des devoirs pour tous. Pour les Enr, l’âge de la maturité c’est maintenant. Quand on est un acteur majeur du système électrique, on s’applique les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres, c’est ce qu’on va faire progressivement.

C’est un sujet important : le 1er avril 2025 à 13 heures, on est passé en épisode de prix négatif et à ce moment-là, sur le réseau, on a perdu en quelques minutes 9 GW de production. Sur ces 9 GW combien de producteurs nous avaient transmis leur programmation selon laquelle ils allaient couper leur installation parce que les prix spot allaient devenir négatifs ? Zéro. 9 GW, c’est comme si on perdait d’un coup neuf tranches nucléaires. C’est compliqué de gérer la fréquence quand on perd en quelques minutes l’équivalent de 9 tranches nucléaires. C’est au-delà de l’incident dimensionnant en Europe. Donc il va falloir faire des progrès collectivement là-dessus.

Dans le même ordre d’idée des « mêmes droits- mêmes devoirs pour tous », on a l’ambition de changer quelques règles concernant les mécanismes d’ajustement (MA). Il y a une disposition législative qui a été votée pour que les producteurs d’EnR nous fassent des offres à la baisse sur le mécanisme d’ajustement pour des productions à partir 10 MW. Aujourd’hui ce n’est pas prévu. On en a besoin pour piloter le système électrique. Donc, on va demander que progressivement de plus en plus d’installations d’énergie renouvelable nous fassent des offres à la baisse sur mécanisme d’ajustement. J’espère jusqu’à 1 MW, mais ce sera progressif. Ce n’est pas punitif, quand vous êtes appelé sur le mécanisme d’ajustement, vous êtes payés, mais simplement cela nous aide à gérer le réseau.

Troisième élément :  la gestion dynamique de la fenêtre opérationnelle. On a besoin de plus d’observabilité. Comment gère-t-on les dynamiques sur le système électrique en temps réel et pour ça là-aussi, il y a des choses qui ont vocation à changer et vous qui êtes dans le solaire, il va falloir qu’on travaille sur les rampes. Il y a beaucoup d’installations qui sont incitées à s’arrêter aux heures rondes lorsque les prix sont nuls ou négatifs. C’est très bien, mais simplement il va falloir qu’on trouve collectivement le moyen de s’arrêter … car perdre 9 GW en trois minutes ce n’est pas comme perdre 9 GW en 20 minutes. Donc on a demandé à l’état un certain nombre de dispositions. Cette préoccupation centrale concerne la gestion de la fréquence et puis on va ouvrir des chantiers sur le maintien de tension (la principale cause du blackout espagnol). Deux enjeux collectifs sur lesquels il va falloir qu’on travaille y compris sur le solaire de taille moyenne : lorsqu’il y a des phénomènes de tensions hautes, il ne faut pas que les appareils de production lorsqu’ils les détectent décrochent du réseau. Les installations devraient rester connectées et elles se déconnectent. Donc on a un sujet. Ensuite, ce n’est pas tout de rester connecté sur le réseau, on a besoin de vous pour que vous nous aidiez à régler la tension. Vous seriez une forme de point d’accrochage de cette tension offrant différents services pour être des points fixes de réglage ou des points variables pour aider à tenir la tension.

 

Rapprocher la courbe de production de la courbe de consommation : ce n’est pas qu’à la production de jouer. Il faut que tout le monde fasse un pas. Il y a beaucoup d’expérimentation à faire. Déplacer les heures pleines et les heures creuses à des meilleurs moments de la journée ça progresse. C’est un moyen de flexibilité très rustique mais très efficace. On peut faire mieux avec des pilotages d’usages plus digitalisés. Il y a là aussi de la conquête à aller chercher.

Il y a aussi de la conquête pour optimiser nos actifs chez les ménages. Un monde où chacun à sa batterie chez soi mais qui reste connecté au réseau pour couvrir sa puissance maximale de consommation au cas où sa batterie est vide, est un monde totalement désoptimisé. Parce que chacun se paie sa batterie, mais demande une connexion au réseau au maximum. Or votre batterie vous ne l’utilisez pas à 100% parce que vous avez des usages particuliers. Un super réseau, super maillé, partout, de très grosse capacité et cher avec un monde ou chacun a ses moyens de production et de stockage privés chez soi, c’est une désoptimisation économique de premier ordre. Ce qui compte c’est l’économie de la fonctionnalité : c’est moins cher de se partager nos voitures, nos vélos et même désormais nos perceuses que le fait que chacun ait tout ça chez soi, car finalement on ne s’en sert pas tous les jours et donc ça passe par du pilotage d’actifs qui seront plus communautaires que privés et des outils digitaux de pilotage de ces consommations.

On le voit, il va se passer pas mal de choses dans votre secteur. Premièrement, ça ne fait pas mal. Deuxièmement, c’est la contrepartie de la fin de l’adolescence et du passage à l’âge adulte. Cette transition est souhaitable, elle a énormément de vertus, mais elle ne se fera que si elle est économiquement accessible pour les Français. Donc l’éléphant dans la pièce, c’est le prix de l’électricité, ça vous y êtes coutumier ; l’autre éléphant dans la pièce c’est : veillons à ne pas multiplier les actifs qu’il faut amortir sur le système électrique français, car il faudra tout le même le payer un jour. C’est la raison pour laquelle il y a besoin de ces systèmes pilotés de flexibilité ».

Fondée en 2024 par Ensol, la SunTech est un réseau fédérateur qui rassemble aujourd’hui des start-us, industriels, experts techniques et institutionnels, tous engagés dans la démocratisation de l’énergie solaire et l’innovation dans le secteur. Ses rendez-vous mensuels sont un espace d’échange entre professionnels de l’énergie et décideurs autour des défis technologiques, économiques et sociétaux de la transition énergétique.

 

 

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