Bilan prévisionnel 2035 de RTE : accélérer l’électrification ou ralentir le développement des énergies renouvelables ?
Le Bilan prévisionnel 2025 de RTE, publié le 9 décembre, actualise les perspectives pour le système électrique à l’horizon 2035. La France se trouve aujourd’hui dans une situation d’abondance d’électricité décarbonée, très favorable à l’accueil de nouveaux usages. Quel arbitrage propose RTE pour résorber cet épisode de surcapacité de production ? Le levier le plus efficace consiste à engager un mouvement d’électrification rapide du pays. Dans une trajectoire de décarbonation lente, régler le rythme de développement de la production bas carbone (en clair, ralentir le développement du solaire) est également un levier, mais il est économiquement moins efficace et devra préserver les filières, alerte le document de RTE.
L’électrification des usages doit permettre à la France de réduire ses dépendances aux énergies fossiles importées, d’améliorer sa balance commerciale et d’accompagner sa réindustrialisation. Mais à court terme, la consommation d’électricité reste stable, en décalage avec une production d’électricité bas-carbone qui croît désormais au rythme nécessaire pour atteindre ses objectifs.

La stratégie de décarbonation de la France visant à transférer des usages d’énergies fossiles vers l’électricité permettrait à la France de réduire de près de moitié les hydrocarbures importés dans la consommation finale d’énergie du pays à l’horizon 2035 (-500TWh d’imports de fossiles dont 40% grâce à l’électrification des usages). Elle répond également à un enjeu de souveraineté : les imports d’énergies fossiles entraînent une dépendance stratégique majeure et constituent la première source de déficit de la balance commerciale française ; cette stratégie permettrait ainsi de réduire la facture énergétique de la France s’élevant à environ 50 à 70 Md€ par an.
Pour ce faire, la France peut s’appuyer sur une production d’électricité nationale bas carbone, reposant sur un mix composé de nucléaire et d’énergies renouvelables (dont l’hydraulique), qui est aujourd’hui particulièrement abondante. Le pays est en effet parvenu à rétablir son potentiel de production bas-carbone – suite aux crises sanitaire et énergétique – et le développe désormais au rythme nécessaire à l’atteinte de ses objectifs climatiques (environ 7 GW de volume cumulé de nouvelles installations solaires et éoliennes en 2025).
Dans ce contexte, le rythme de croissance de la production électrique ne pose plus de problème stratégique pour les toutes prochaines années et peut alimenter sans conflit d’usage la décarbonation des secteurs des transports, de l’industrie et du bâtiment de manière prioritaire, ainsi que le développement du secteur du numérique (datacenters), souligne RTE. La situation d’abondance d’électricité oriente à la baisse les prix de marché actuels et projetés de la France : une situation très favorable pour permettre l’électrification et la réindustrialisation sur le territoire français.
Pour la première fois, le Bilan prévisionnel 2025 établit un état des lieux des volumes de projets qu’il est nécessaire de concrétiser pour mettre la France sur une trajectoire de décarbonation, alors que de nombreux projets industriels ont déjà contractualisé leur accès au réseau pour les prochaines années (environ 30 GW). L’hydrogène, l’industrie et les datacenters devraient ainsi concrétiser, respectivement, environ 2,9 GW, 3,4 GW et 4,3 GW de projets. La réalisation de 60% de ces projets, d’ici 2030, permettrait d’augmenter la consommation de l’industrie à environ 113 TWh par an, environ 15 TWh pour les datacenters (contre 5 TWh en 2025) et environ 15 TWh pour l’hydrogène, plaçant ainsi la France sur une trajectoire de décarbonation rapide.

Une surcapacité de production d’électricité qui risque d’être réglée, à court terme, par la baisse du développement du solaire
À date, RTE estime que cet épisode transitoire de surcapacité de production perdurera au moins deux à trois ans. Il prendrait fin si la France se plaçait sur une trajectoire de décarbonation rapide (électrification).
Le Bilan prévisionnel étudie deux trajectoires de consommation. Une trajectoire de décarbonation rapide (consommation d’électricité de 510 TWh en 2030 à 580 TWh en 2035), permettant à la France d’atteindre l’objectif du Fit for 55, de réussir sa réindustrialisation avec une croissance de 1,1% du PIB par an, tout en réduisant les coûts complets du système électrique. Mais aussi une trajectoire de décarbonation lente, qui correspond malgré tout à une augmentation de 25 TWh de la consommation d’électricité par rapport à la consommation actuelle (470 TWh à l’horizon 2030 et 505 TWh en 2035).
L’ajustement temporaire du développement de la production renouvelable – par exemple du petit solaire – constitue un levier actionnable dans le cadre d’une trajectoire de décarbonation lente. Toutefois, il serait moins efficace économiquement que de réussir une électrification rapide du pays.

Le Bilan prévisionnel 2025 étudie ainsi 4 rythmes de ralentissement du développement, plus ou moins importants, de la production bas-carbone d’ici à 2030. Si le rythme R1 est celui qui aboutit à court terme aux coûts les plus faibles, il est insuffisant pour alimenter les besoins en électricité d’une trajectoire de décarbonation rapide à l’horizon 2035. Similairement, le rythme R4 apparaît facteur de surcoûts significatifs, particulièrement dans une trajectoire de décarbonation lente en 2030.
Abaisser le rythme de développement du photovoltaïque à 2,5 GW ou 3,5 GW par an ?
Reste donc les scénarios R2 et R3. Tous les deux sont ravageurs pour la filière solaire puisqu’ils s’appuient sur un rythme de développement du photovoltaïque de 2,5 GW (R2) à 3,5 GW (R3) par an, soit un montant très inférieur au niveau actuel de progression de la filière (déjà 4,5 GW sur les trois premiers trimestres de l’année 2025). On comprend mieux pourquoi la profession privilégie la trajectoire de décarbonation rapide (voir la réaction du SER dans cette édition).

RTE alerte également sur la nécessité d’utiliser ce levier avec proportionnalité. En effet, le pays aura besoin, à moyen terme, de filières de production d’électricité bas-carbone robustes, qu’il convient de ne pas mettre en péril, pour atteindre ses objectifs de décarbonation et de réindustrialisation, tout en assurant sa sécurité d’approvisionnement. Formulons le vœu que ce discours soit entendu par nos politiques.
Bilan prévisionnel 2025 – Résumé exécutif (synthèse)













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